Samedi 28 septembre, le ciel gris ne rebute pas les 51 adhérents prêts pour une nouvelle découverte en Trièves. Le car prend la direction de Mens……

 

 

 


 

 

Après un trajet où la brume et les éclaircies se disputent le ciel, nous voici à Saint Baudille et Pipet, non sans avoir pu admirer au passage le majestueux et célèbre « Mont Aiguille ». Sur une colline nous apercevons les toits et les tours du château de MONTMEILLEUR.

Nous voici bientôt devant le porche d’entrée, nous traversons une magnifique cour pavée (qui rappelle des films de capes et d’épées…) bordée par un long bâtiment au toit couvert de tuiles « écaille »… et le propriétaire des lieux, monsieur Lemberger, nous accueille. Il nous dit quelques mots sur le château, son histoire et sa restauration qui a demandé 10 ans de travaux !

Un premier groupe visite, sous la conduite du propriétaire, les différentes pièces de chacun des trois niveaux du château. Nous sommes étonnés, admiratifs…rien n’a été oublié….les murs, les planchers, les boiseries, les meubles dénichés ici ou là, la robinetterie, les objets de décoration….tout reflète un souci de restauration parfaite, de bon goût qui nous enchantent !

Pendant ce temps la maîtresse des lieux qui accompagne le deuxième groupe, nous parle, en toute simplicité, de l’environnement exceptionnel (avec l’Obiou d’un côté, le Mont Aiguille de l’autre) du parc, des jardins, des bâtiments annexes et même nous fait visiter les gîtes magnifiquement décorés et chaleureux au possible !

Durant toute la matinée les propriétaires nous ont accompagnés dans cette visite, avec une extrême gentillesse, nous faisant oublier que le soleil  avait été un peu capricieux !!! Nous étions sous le charme lorsque nous sommes repartis….

A la fin du reportage, vous trouverez une notice historique concernant les différentes familles propriétaires du château depuis le 11ème siècle à nos jours.

Mais il fallait penser à se restaurer…ce que nous fîmes à l’auberge de Mens ! Un bon et copieux repas nous attendait, chacun se régala dans une joyeuse ambiance.

Hélas le temps nous a joué un mauvais tour puisque c’est avec les parapluies qu’il fallut rejoindre le musée du Trièves, et avec le parapluie toujours que s’effectua une visite un peu écourtée : arrêt sous la halle, puis à l’église et au temple. Merci aux guides de Mens amoureux de leur village.

On ne quitte pas Mens sans passer au célèbre café des Arts et ses peintures murales réalisées en 1897 par Gustave Riquet.

Retour à Claix avec des souvenirs pleins la tête !... en attendant la prochaine « vie de château » !

 

 

ORIGINE ET HISTORIQUE

de la maison forte de Montmeilleur

Si l’on ne connaît pas la date exacte de la construction de la maison forte de Montmeilleur (transformé en château en 1875), tout porte à croire qu’elle remonte aux environs de l’an mil, c’est à dire au Haut Moyen Age. En effet, les origines de l’église romane de Mens remontent à cette époque et l’examen des soubassements des murs d’enceinte et d’une des tours de Montmeilleur laisse supposer que les deux édifices sont contemporains.

Le Moyen-Age des IXème et Xème siècles fut le temps difficile de l’anarchie féodale où seigneurs et nobles construisirent pour demeures des châteaux, véritables forteresses, à l’intérieur desquelles ils pouvaient vivre en sécurité. Au cours du Moyen-Age arrivèrent à Mens des Vaudois, habiles artisans qui développèrent le tissage des toiles de chanvre et le commerce avec les foires et marchés.

Dans la première moitié du XIIème siècle, une fille d’Isoard, comte de Die, épouse Raymon Bérenger, fils de Ponce, petit-fils de Ponce Aynard, anciens princes d’Italie, et reçoit en dot des biens dans le Trièves. Vers 1170, Bérenger partage ses biens en faveur de ses quatre enfants. Le troisième fils, Pierre, reçut le mandement de Morges dont il pris le nom – Pierre de Morges – aïeul d’une riche lignée et le quatrième fils, Raymond Bérenger, 2ème du nom, reçut les mandements de Prébois, Tréminis et les Feuillans et était seigneur du Trièves en 1151.

Au XIIIème siècle, Guigues de Bérenger, un des fils de Raymond I Bérenger, hérita des terres de Morges et de Montmeilleur, lors du partage des fiefs de son père et prit alors le nom de Guigues de Morges. De cette époque date la toute puissance des comtes de Morges dont le mandement n’était séparé de celui de leurs voisins du Beaumont que par le Drac.

Au début du XIVème siècle, en 1309, vivait Pierre de Morges, fils de Raymond et époux de Catherine Bérenger. Son fils ainé, Jean Ier, seigneur de Morges et de Montmeilleur, épousa Aliénor de Sassenage en 1312. C’est l’époque de la grande calamité de la peste noire (de 1347 à 1350). Ils eurent Jean II, seigneur de Montmeilleur, qui épousa Cécile Artaud.

Pendant la Guerre de Cent ans, des routiers incendièrent Mens dont les bourgeois avaient refusé de payer la rançon.

Au XVème siècle, Raymond, fils de Pierre II, seigneur de Montmeilleur épousa Alix Coste. Son fils aîné, Jean III, époux de Marguerite Bérenger, mourut sans postérité et son frère cadet, Humbert, hérita des terres de Morges et de Montmeilleur. Il épousa Constance de Fay.

Vers 1450, le roi Charles VII, alarmé par les intrigues de son fils aîné, le futur Louis XI, lui fit l’abandon pur et simple du Dauphiné pour l’administrer comme dauphin sous le nom de Louis II. Alors que les précédents dauphins n’habitèrent que rarement le Dauphiné, celui-ci y résida pendant 10 ans. Il fut, dit-on, impressionné par la beauté du Trièves et attiré, en tant que grand chasseur, par l’abondance et la variété du gibier qu’on y trouvait. Il devint très populaire dans le Trièves et la maison forte de Montmeilleur, devenue son rendez-vous de chasse préféré, s’honora alors, comme d’autres maisons triévines, de ces royales visites.

Nul doute que ce furent Humbert, seigneur de Montmeilleur et son épouse Constance qui acceuillirent le futur Louis XI à Montmeilleur. Celui-ci se conduisit en Trièves avec une extrême bienveillance, s’occupant de l’entretien des chemins et des ressources de la paroisse et interdisant les guerres privées. En 1480, il confirma les deux foires annuelles de Mens: celle fixée le jour de la fête des Saint Jacques et Philippe, le 1er mai, est la plus importante et remonte à la plus haute antiquité et celle de la Saint François le samedi après le 4 octobre sont des foires encore actuelles.

Au début du XVIème siècle, Guy de Morges, fils d’Humbert, est seigneur de Montmeilleur. Son fils Humbert II épousa Claude de Maugiron et testa en 1525. Guy IV, leur fils aîné, mourut sans postériorité et son oncle Jean V, fils cadet de Guy de Morges, devient seigneur de Montmeilleur. Il épousa Olive Oddos de Bonniot dont il eut Abel de Morges, époux de Georgette de Bérenger.

Le Duc Lesdiguières, apparenté aux Bérenger par son mariage en 1564 avec Claudine de Bérenger, connaissant bien la maison forte de Montmeilleur, fief d’Abel de Morges, son beau-frère et l’on peut aisément s’imaginer, lors des guerres de religion, que le chef des Huguenots du Dauphiné retrouvait à Montmeilleur Abel de Morges et Georgette de Bérenger, lors des transactions nécessaires pour parvenir en 1589, au traité de réconciliation religieuse.

C’est cet Abel de Morges qui vendit, à l’orée du XVIIème siècle (en 1600) la terre de Montmeilleur à Hugues de Calignon, maître des comptes à Grenoble et frère de Geoffroy de Calignon, chancelier de Navarre, mettant fin ainsi à 400 ans de possession familiale. Hugues de Calignon, seigneur de Montmeilleur, épousa Lucrèce de Montchenu et a dû être témoin de la grande peste de l’an 1630 qui attaqua notamment Mens et Saint Baudille.

Hugues II lui succéda comme seigneur de Montmeilleur. Il avait épousé Louise Le Bland. Il en avait eu deux filles: Justine, morte sans alliance et Madeleine, épouse de Jean-Baptiste de Gallien de Chabons, qui vivait encore dans la première moitié du XVIIIème siècle.

A la fin du XVIIIème siècle, en juin 1788, au début de la Révolution française, les représentants des trois ordres (clergé, noblesse et Tiers Etats) de Grenoble décidèrent d’inviter les villes et bourgs du Dauphiné à envoyer des représentants pour délibérer en commun sur les droits du parlement et les intérêts de la province. Le marquis Nicolas de Langon, maréchal de camp, propriétaire du domaine et du château de Montmeilleur, représenta Saint-Baudille-et-Pipet.

Nicolas de Langon émigra, ainsi que le comte de Morges et le vicomte de Bardonnenche de Monestier-de-Clermont, en 1791 à Coblentz pour former, avec les Prussiens, une armée qui rétablirait le roi dans tous ses pouvoirs et abolirait les décrets pris par l’Assemblée Nationale. La population de Mens qui détestait le marquis de Langon brûla toutes les archives trouvées dans le Château de Montmeilleur sur la place publique.

En 1792, l’Assemblée Nationale ordonna par décret aux émigrés de regagner la France, faute de quoi, considérés comme ennemis, leurs biens seraient confisqués au profit de la nation. Nicolas de Langon ne rentra pas, ses biens furent déclarés nationaux et vendus comme tels au sieur Jacques Sibey, négociant à Mens qui avait siégé au château de Vizille en 1788 comme délégué du Tiers Etat et qui les laissa en héritage à son gendre Jean-Jacques Fluchaire.

Au début du XIXème siècle, vivaient les fils de Jean-Jacques Fluchaire, Paul et André, qui avaient épousé deux sœurs : les filles de Jean-Paul Didier, avocat et professeur de Droit à l’Université de Grenoble. Ce dernier, ennemi farouche des Bourbons et bonapartiste convaincu, voulant rétablir l’Empire à la chute de Napoléon, arma une troupe de paysans triévins et mathéysins et attaqua Grenoble pour en chasser l’administration des Bourbons en prenant d’assaut la Porte de Bonne à Grenoble dans la nuit du 4 au 5 mai 1816.

Les paysans qui ne furent pas tués lors de l’affrontement, furent condamnés à la guillotine par Louis XVIII et la tête de Jean-Paul Didier, mise à prix pour 20.000 francs. Celui-ci, blessé au combat, avait réussi à s’enfuir en Savoie où il fut arrêté le 16 mai 1816 dans une auberge de Saint-Sorlin d’Arve. Conduit à Turin, il sera remis par les Piémontais à la France et arrivera sous bonne escorte à Grenoble le 23 mai. Jugé et condamné à mort, il y fut guillotiné, place Grenette, le 10 juin 1816. Comme ses gendres étaient les propriétaires du château de Montmeilleur, une légende tenace rapporte que, pour échapper aux recherches après l’échec de sa conspiration, Jean-Paul Didier aurait d’abord trouvé refuge au château de Montmeilleur où un placard lui aurait servi de cachette.

Paul et André Fluchaire vendirent pour 60.000 francs le château de Montmeilleur, ses terres, le domaine des Boutins et la montagne de Courte à Constantin Abrard de Mens le 28 septembre 1841. Montmeilleur restera plus d’un siècle dans cette famille, en ligne directe par les femmes. La fille de Constantin Abrard, Célina, épousa Leon Piollet de Grenoble et hérita des biens de son père en 1864. Son fils Henri Piollet lui succéda à Montmeilleur et une de ses filles, épouse de Pierre Thibaud, en hérita. En 1957 les fils de Madame Thibaud vendirent  le château de Montmeilleur, terres et dépendances comprises à Mr. et Mme R. C. Fabre.

Le grand écrivain provençal Jean Giono dans une de ses constructions imaginaires à la fois dauphinoise et difficile « un roi sans divertissement », roman qui se déroule entre Lalley et Chichilianne, transcende ses souvenirs de Montmeilleur en s’inspirant de la personnalité de Madame Thibaud.